Gabon - Customary law - Consumption use
CONSOMMATION
Normes et pratiques de droit coutumier

Gabon

CONTEXTE

Le département de Mulundu est situé dans la province de l’Ogooué-Lolo, au centre-est du Gabon, dans une zone forestière dense. Les regroupements de 25 villages partenaires du Programme SWM sont composés de populations pluriethniques, incluant les Pygmées Babongo et diverses ethnies Bantoues comme les Adouma, les Awandji, les Kota et les Sakè. Ils sont constitués de plusieurs clans et lignages. Le lignage est l'unité sociale de base, et chaque clan est divisé en lignages. Le clan et le lignage sont des groupes de filiation qui tirent leur ascendance (patrilinéaire ou matrilinéaire) d’un ancêtre géniteur. La diversité clanique tire sa source des alliances matrimoniales tissées entre les différents clans. Ces regroupements hébergent entre 3 500 et 4 000 personnes.
Le département de Mulundu et les massifs forestiers de cette région sont parmi les mieux préservés du bassin du Congo et abritent une grande diversité biologique. On y trouve des espèces animales emblématiques telles que l’éléphant de forêt, le gorille des plaines de l’Ouest, le mandrill, le buffle de la forêt, le chimpanzé commun et le léopard. La faune terrestre et halieutique constitue une ressource importante pour les activités de subsistance ou commerciales des populations, notamment la chasse et la pêche. Les territoires de chasse des communautés jouxtent et se superposent à plusieurs concessions forestières exploitées par différentes entreprises.
Les premiers occupants de la forêt gabonaise étaient les populations autochtones pygmées, rejoints par différentes ethnies bantoues à partir du XIe siècle. Les Pygmées ont une conception large, collective et non-exclusive de la propriété de la terre qui inclut les lieux qu’ils habitent de manière intermittente, les sites sacrés, les zones de chasse, pêche et cueillette. Leurs droits fonciers coutumiers ont toutefois été érodés par plusieurs facteurs : l'installation de communautés bantoues, pour lesquelles la terre est la propriété des clans et lignages, la politique coloniale et l'introduction du droit écrit (ou droit statutaire). En effet, la législation coloniale a instauré un régime foncier basé sur la propriété privée ignorant les droits des premiers occupants. Après l'indépendance en 1960, le Gabon a conservé ce système, ne reconnaissant la propriété privée que par immatriculation, excluant ainsi les droits fonciers coutumiers. Les terres vacantes sont la propriété de l'État et peuvent, comme telles, être concédées à des entreprises privées. Malgré cela, dans les zones rurales, les pratiques coutumières persistent, bien qu'elles ne soient pas formellement reconnues par l'État. Pour assurer la subsistance des communautés et lutter contre la pauvreté en milieu rural, le législateur leur a concédé des droits d’usage coutumiers et économiques, incluant la chasse de subsistance, leur permettant de satisfaire leurs besoins personnels ou collectifs et commercialiser une partie des produits collectés.
Ces droits d’usage peuvent être exercés à la fois dans le domaine forestier rural – qui est un espace réservé en principe aux communautés mais dont les modalités de délimitation restent encore à définir – mais aussi dans le domaine forestier permanent de l’État, à l'intérieur de zones déterminées par les textes de classement ou les plans d’aménagement des aires protégées et concessions forestières.
CONSOMMATION
Pratiques coutumières d'utilisation de la faune
Les jeunes, qu'ils soient Bantous ou Pygmées, héritent des connaissances cynégétiques de leur société à travers l'éducation à la chasse et au piégeage reçue de leurs pères. Ce patrimoine comprend des techniques de chasse et de piégeage, un vocabulaire spécifique, des lieux de chasse ou de pose des pièges, des interdits et des sites sacrés. Il en va de même pour la pêche.
Traditionnellement, les communautés prélèvent librement les animaux de leurs forêts et les poissons de leurs cours d’eau. Chez les Awandji, les Adouma, les Kota, les Sakè et les Pygmées Babongo, le fait d’installer des pièges confère au chasseur une appropriation temporaire de l’espace, interdisant à d'autres chasseurs de poser leurs pièges ou de chasser sur ce site. En revanche, les pistes de chasse et les accès aux zones de chasse sont libres pour tous les chasseurs de la communauté. Les campements de chasse sont réservés aux membres de la famille ou du lignage du constructeur.
Les méthodes de chasse traditionnelles, bien que connues des notables, ont été abandonnées. Les chasseurs utilisaient des arbalètes et des sagaies fabriquées avec des matériaux trouvés en forêt. Les Pygmées Babongo ajoutaient une couche de poison aux carreaux métalliques de leurs arbalètes pour neutraliser rapidement les animaux. La sagaie, réservée aux meilleurs chasseurs, nécessitait une grande maîtrise. Elle a depuis été remplacée par le fusil et la torche tandis que les câbles métalliques ont remplacé les cordes de raphia. La chasse de nuit est devenue courante alors qu'elle se pratiquait auparavant uniquement de jour. La chasse au filet, autrefois collective et mobilisant tous les hommes valides, a été remplacée par des pratiques individuelles comme le piégeage avec des collets et des pièges à assommoir.
Tabous liés à la chasse et à la consommation de viande sauvage
L’enquête auprès des Babongo, Awandji, Adouma, Kota et Sakè a révélé des interdits liés à la chasse et à la consommation, qui peuvent être regroupés en quatre types.
Premièrement, il existe des interdits liés au chasseur. Par exemple, chez les Awandji, les Kota et les Adouma, le chasseur dont l’épouse est enceinte doit s’abstenir de tuer certains animaux comme le pangolin, le chevrotain, le chat huant, la civette et la tortue. S’il capture accidentellement l’un de ces animaux, il ne doit pas le ramener chez lui pour éviter que son épouse ne le consomme, et empêcher ainsi des maladies ou des malformations chez l’enfant à naître.
Deuxièmement, il existe des interdits liés aux lieux de chasse, comme les forêts sacrées où la chasse peut être interdite temporairement ou de manière permanente car il s’agit du lieu de résidence des ancêtres et/ou des génies.
Troisièmement, il existe des interdits en rapport avec les animaux dits totémiques, qui peuvent être claniques ou lignagers. Les clans ou lignages considèrent que la chasse de ces animaux revient à tuer ou capturer ses propres parents. Parmi les animaux totems les plus cités, on trouve la panthère, le gorille, le chimpanzé, l’aigle et l’éléphant. Leur chasse n’est possible que lorsque le chasseur est agressé par l’animal totem, nécessitant ensuite un rite de purification pour éviter la malchance.
Enfin, le quatrième type d’interdits se rapporte à ceux liés à la consommation concernant essentiellement les femmes et les enfants. Il est par exemple interdit aux femmes de consommer l’antilope dormante car cela allongerait leurs menstruations et les femmes enceintes ne doivent pas consommer le serpent, la tortue, la civette ou le pangolin pour éviter des complications chez l’enfant à naître.
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