RDCongo- Statutory law – Preconditions
CONDITIONS PRÉALABLES
République Démocratique du Congo
RÉSUMÉ
La faune sauvage vivante appartient à l’État (Loi n°82/002 portant réglementation de la chasse) et fait partie de son domaine public (Loi n°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature). Les animaux qui sont légalement capturés ou chassés deviennent la propriété des chasseurs. En revanche, les trophées recueillis sur des animaux trouvés morts ou abattus, et les produits de chasse obtenus dans le cadre de la légitime défense ou d’opérations de chasse administrative restent la propriété de l’État.
Des droits sur la faune sauvage peuvent être accordés dans le cadre des permis de chasse (Loi n°82/002 portant réglementation de la chasse). Le Code forestier prévoit des droits d’usage fondés sur les coutumes et les traditions locales qui peuvent être exercées librement dans les forêts protégées et, selon les plans d’aménagement, dans les concessions forestières. La chasse ne fait toutefois pas partie de ces droits d’usage. Les communautés locales et les populations autochtones doivent disposer d’un permis de chasse pour exploiter légalement la faune sauvage. Pour la pêche, il n’y a pas de système de permis à l’échelle nationale, le principe étant celui du libre exercice (Décret du 21 avril 1937 sur la pêche). Des droits traditionnels de pêche sont reconnus aux communautés locales. Des concessions de pêche peuvent également être octroyées à des personnes privées (Décret du 12 juillet 1932 réglementant les concessions de pêche). Des droits de chasse et de pêche sont également accordés aux titulaires de concessions foncières (il n’existe pas de propriétaires fonciers privés). La Loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier, et régime des sûretés (loi foncière) mentionne expressément les droits de chasse et de pêche pour les titulaires de concessions perpétuelles (personnes physiques de nationalité congolaise) et les titulaires d’un bail emphytéotique. Elle ne précise pas si les concessionnaires sont tenus de se conformer à la réglementation sur la chasse et sur la pêche, notamment à l’exigence de détenir un permis. La Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature prévoit également la délivrance par une autorité nationale de permis pour l’accès aux ressources biologiques et génétiques, et leur exploitation, ainsi que les savoirs traditionnels y associés.
Des mesures spécifiques de protection de la faune sauvage sont prévues en plus du système des aires protégées défini par la Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature. Dans les concessions forestières, l’exploitant doit mettre en place des mesures environnementales et de protection de la biodiversité. Ces mesures sont prévues dans le contrat de concession et ses annexes (cahier des charges, plan d’aménagement, plan de gestion). Il en est de même dans les Concessions forestières des communautés locales (CFCL): la communauté locale attributaire doit élaborer un plan simple de gestion permettant une utilisation durable des ressources forestières, y compris les ressources fauniques, et peut décider d’affecter tout ou une partie de la concession à la conservation et à la protection de la biodiversité. Le Code forestier prévoit expressément que l’exploitant d’une forêt doit se soumettre aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature, de la chasse et de la pêche. Dans les concessions minières, l’exploitant est tenu d’élaborer des plans environnementaux pour atténuer les impacts négatifs de l’extraction minière. Ces plans peuvent comprendre la désignation de zones protégées au sein de la concession.
Le Code forestier (Loi n°11/2002) donne une définition des communautés locales. Il permet leur implication dans la gestion des ressources forestières et fauniques de manière indirecte via leur représentation dans les organes de gestion des concessions forestières et, de manière plus directe, dans le cadre des CFCL qui sont un mécanisme de foresterie communautaire. Le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources forestières et fauniques est prévu dans les CFCL mais pas dans les concessions forestières. Pour ces dernières, il peut néanmoins y avoir des clauses sociales dans les cahiers des charges afin d’assurer une redistribution pour les communautés locales. La Loi n°14/2003 relative à la conservation de la nature donne également une définition des communautés locales. Elle prévoit que l’accès aux ressources biologiques et génétiques, ainsi qu’aux savoirs traditionnels qui y sont associés, ne peut se faire qu’avec le consentement préalable des communautés locales concernées, qui doit être donné en connaissance en cause. Un décret en Conseil des ministres fixe les conditions et procédures d’obtention du consentement mais ce texte n’a pas encore vu le jour. En outre, l’exploitation commerciale de ces ressources est soumise au principe de partage juste et équitable des avantages. Un décret délibéré en Conseil des ministres fixe les modalités de ce partage mais ce texte n’a pas encore été adopté.
Les droits des femmes et la parité sont garantis par la Constitution et par la loi (Loi n°15/013). Ces sujets ne sont pas directement traités par le Code forestier et la Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature. Les aspects liés au genre et à la promotion du rôle des femmes dans la foresterie ont néanmoins fait l’objet d’une circulaire administrative. Les autorités coutumières sont reconnues par la Constitution de 2006 et leur statut est défini par la Loi n°15/015 fixant les statuts des chefs coutumiers. Le cadre juridique actuel ne contient toutefois pas de définitions ni de règles spécifiques concernant les populations autochtones. Un texte garantissant les droits des peuples autochtones Batwa a été adopté au niveau de la province Maï-Ndombe (Édit n°001/2018). Au niveau national, un projet de loi pour garantir les droits des populations autochtones est actuellement en cours de discussion. En outre, le Document de politique foncière nationale (DPFN) adopté par le Conseil des ministres en avril 2022 préconise la reconnaissance et la consolidation des droits fonciers des groupes vulnérables et marginalisés, notamment les femmes et les peuples autochtones pygmées. Le DPFN doit encore être approuvé par un décret du Premier ministre.
Des sanctions pénales et administratives sont prévues en cas de non-respect des règles qui organisent les droits sur la faune sauvage.
CONDITIONS PRÉALABLES
DROITS RÉELS SUR LA FAUNE SAUVAGE
La faune sauvage vivante appartient à l’État (Loi n°82/002 portant réglementation de la chasse) et fait partie de son domaine public (Loi n°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature). Les animaux qui sont légalement capturés ou chassés deviennent la propriété des chasseurs. En revanche, les trophées recueillis sur des animaux trouvés morts ou abattus, et les produits de chasse obtenus dans le cadre de la légitime défense ou d’opérations de chasse administrative restent la propriété de l’État.
Des droits sur la faune sauvage peuvent être accordés dans le cadre des permis de chasse (Loi n°82/002 portant réglementation de la chasse). Le Code forestier prévoit des droits d’usage fondés sur les coutumes et les traditions locales qui peuvent être exercées librement dans les forêts protégées et, selon les plans d’aménagement, dans les concessions forestières. La chasse ne fait toutefois pas partie de ces droits d’usage. Les communautés locales et les populations autochtones doivent disposer d’un permis de chasse pour exploiter légalement la faune sauvage. Pour la pêche continentale, il n’y a pas de système de permis à l’échelle nationale, le principe étant celui du libre exercice (Décret du 21 avril 1937 sur la pêche). Des droits traditionnels de pêche sont reconnus aux communautés locales. Des concessions de pêche peuvent également être octroyées à des personnes privées (Décret du 12 juillet 1932 réglementant les concessions de pêche). Des droits de chasse et de pêche sont également accordés aux titulaires de concessions foncières (il n’existe pas de propriétaires fonciers privés). La Loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier, et régime des sûretés (loi foncière) mentionne expressément les droits de chasse et de pêche pour les titulaires de concessions perpétuelles (personnes physiques de nationalité congolaise) et les titulaires d’un bail emphytéotique. Elle ne précise pas si les concessionnaires sont tenus de se conformer à la réglementation sur la chasse et sur la pêche, notamment à l’exigence de détenir un permis. La Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature prévoit également la délivrance par une autorité nationale de permis pour l’accès aux ressources biologiques et génétiques, et leur exploitation, ainsi que les savoirs traditionnels y associés.
Des mesures spécifiques de protection de la faune sauvage sont prévues en plus du système des aires protégées défini par la Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature. Dans les concessions forestières, l’exploitant doit mettre en place des mesures environnementales et de protection de la biodiversité. Ces mesures sont prévues dans le contrat de concession et ses annexes (cahier des charges, plan d’aménagement, plan de gestion). Il en est de même dans les Concessions forestières des communautés locales (CFCL): la communauté locale attributaire doit élaborer un plan simple de gestion permettant une utilisation durable des ressources forestières, y compris les ressources fauniques, et peut décider d’affecter tout ou une partie de la concession à la conservation et à la protection de la biodiversité. Le Code forestier prévoit expressément que l’exploitant d’une forêt doit se soumettre aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature, de la chasse et de la pêche. Dans les concessions minières, l’exploitant est tenu d’élaborer des plans environnementaux pour atténuer les impacts négatifs de l’extraction minière. Ces plans peuvent comprendre la désignation de zones protégées au sein de la concession.
Le Code forestier (Loi n°11/2002) donne une définition des communautés locales. Il permet leur implication dans la gestion des ressources forestières et fauniques de manière indirecte via leur représentation dans les organes de gestion des concessions forestières et, de manière plus directe, dans le cadre des CFCL qui sont un mécanisme de foresterie communautaire. Le partage des avantages découlant de l’utilisation des ressources forestières et fauniques est prévu dans les CFCL mais pas dans les concessions forestières. Pour ces dernières, il peut néanmoins y avoir des clauses sociales dans les cahiers des charges afin d’assurer une redistribution pour les communautés locales. La Loi n°14/2003 relative à la conservation de la nature donne également une définition des communautés locales. Elle prévoit que l’accès aux ressources biologiques et génétiques, ainsi qu’aux savoirs traditionnels qui y sont associés, ne peut se faire qu’avec le consentement préalable des communautés locales concernées, qui doit être donné en connaissance en cause. Un décret en Conseil des ministres fixe les conditions et procédures d’obtention du consentement mais ce texte n’a pas encore vu le jour. En outre, l’exploitation commerciale de ces ressources est soumise au principe de partage juste et équitable des avantages. Un décret délibéré en Conseil des ministres fixe les modalités de ce partage mais ce texte n’a pas encore été adopté.
Les droits des femmes et la parité sont garantis par la Constitution et par la loi (Loi n°15/013). Ces sujets ne sont pas directement traités par le Code forestier et la Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature. Les autorités coutumières sont reconnues par la Constitution de 2006 et leur statut est défini par la Loi n°15/015 fixant les statuts des chefs coutumiers. Le cadre juridique actuel ne contient toutefois pas de définitions ni de règles spécifiques concernant les populations autochtones. Un texte garantissant les droits des peuples autochtones Batwa a été adopté au niveau de la province Maï-Ndombe (Édit n°001/2018). Au niveau national, un projet de loi pour garantir les droits des populations autochtones est actuellement en cours de discussion. En outre, le Document de politique foncière nationale (DPFN) adopté par le Conseil des ministres en avril 2022 préconise la reconnaissance et la consolidation des droits fonciers des groupes vulnérables et marginalisés, notamment les femmes et les peuples autochtones pygmées. Le DPFN doit encore être approuvé par un décret du Premier ministre.
Des sanctions pénales et administratives sont prévues en cas de non-respect des règles qui organisent les droits sur la faune sauvage.
PLAN D'AMÉNAGEMENT DES TERRES ET DES EAUX INTÉRIEURES
Il n’y a pas, à ce jour, de cadre juridique spécifique à l’aménagement du territoire, ni de plan national d’affectation des terres. Des réformes sont actuellement menées dans le domaine du foncier et de l’aménagement du territoire. Un premier pas a été franchi en 2021 avec l’adoption de la Politique nationale d’aménagement du territoire (PNAT). D’après ce document, les prochaines étapes comprendront l’élaboration d’une loi relative à l’aménagement du territoire, d’un schéma national d’aménagement du territoire, et de plans provinciaux et locaux du territoire. Il est également prévu l’élaboration d’un Plan foncier national. Pour l’instant, c’est néanmoins le Décret du 20 Juin 1957 sur l'urbanisme qui continue de régir l’aménagement du territoire, en milieu urbain comme rural. Il prévoit la possibilité d’instaurer des zones de protection de la biodiversité mais il n’exige pas de manière explicite l’intégration de la composante faune sauvage dans les plans d’aménagement élaborés au niveau national, provincial ou local.
La Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature donne mandat à l’organisme chargé de la gestion des aires protégées (soit l’Institut congolais pour la conservation de la nature [ICCN]) d’effectuer l’inventaire des espèces de faune sauvage, ainsi que des écosystèmes et des habitats au niveau national. Cet inventaire doit se faire en collaboration avec les parties prenantes mais les modalités de cette collaboration ne sont pas précisées dans le cadre juridique actuel. L’État doit élaborer une stratégie de conservation de la diversité biologique dans les aires protégées mais la loi ne prévoit pas l’élaboration d’un plan de gestion de la faune sauvage à l’échelle nationale, ni de plans de gestion pour les activités de chasse. En ce qui concerne les eaux intérieures, l’Office congolais des eaux est chargé d’élaborer des schémas d’aménagement et de gestion des eaux par bassin ou sous-bassin (Loi n°15/026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau) tandis que la Direction de l’aménagement des pêcheries du Ministère de l’agriculture est chargée de l’élaboration et du suivi de la mise en œuvre des plans d'aménagement des pêcheries maritimes et continentales.
Le Code forestier prévoit l’élaboration d’une politique forestière nationale par le Ministre de l’environnement et du développement durable, et d’un plan forestier provincial par chaque gouverneur de province. Il prévoit plusieurs catégories de forêts: les forêts classées (affectées à la protection de la biodiversité), les forêts protégées, et les forêts de production permanente. Les forêts classées et les forêts de production permanente doivent faire l’objet d’un acte de classement par le Ministre qui détermine notamment leurs limites, le mode de gestion, les droits d’usage et les restrictions qui s’y appliquent. Le classement nécessite l’avis conforme du conseil consultatif provincial des forêts concernées, lequel doit être fondé sur la consultation des populations riveraines. La procédure de classement des forêts est définie par un texte réglementaire (Décret n°08/08). Pour les aires protégées, la Loi n°14/2003 prévoit la création par décret en Conseil des ministres des aires d’intérêt national, et la création par arrêté du gouverneur de province ou par décision de l’entité territoriale décentralisée de celles d’intérêt local. Les limites des aires protégées et de leurs zones tampon doivent être définies de manière participative et cristallisées dans les actes de création. Pour le reste, la procédure de création des aires protégées d’intérêt national suit les règles définies pour le classement des forêts. Des études d’impact et des enquêtes publiques sont également prévues notamment pour le classement des forêts de production permanente et la création des aires protégées. La procédure et les modalités de ces études et enquêtes sont définies par un texte réglementaire (Décret n°14/019). La réglementation ne prévoit toutefois pas d’évaluation différenciée selon le genre. La Loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement prévoit également la réalisation d’études d’impact environnemental avant chaque projet de développement, mais le texte d’application qui doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette obligation n’a pas encore été adopté.
Les forêts classées et les forêts de production permanente doivent disposer d’un plan d’aménagement. Le Code forestier prévoit que l’aménagement forestier peut être orienté vers la chasse et le tourisme (réserves, domaines de chasse) mais il n’exige pas que la faune sauvage soit intégrée dans tous les plans d’aménagement des forêts. L’administration a produit un guide opérationnel (non contraignant) indiquant comment intégrer la faune sauvage dans les plans d’aménagement des forêts de production permanente. Ce guide propose notamment la mise en place d’un suivi du statut de la faune dans la concession. Pour les CFCL, la réglementation prévoit directement l’intégration de la composante faune sauvage dans le plan simple de gestion. Celui-ci doit en effet établir des zones spécifiques affectées aux différents usages, y compris une zone spécifique pour la chasse et la pêche. Le zonage doit se faire sur la base d’un inventaire multi‐ressources et s’accompagner d’un outil de gestion permettant d’évaluer les stocks ligneux, la qualité des habitats fauniques et les caractéristiques écologiques du milieu afin de garantir une exploitation durable des ressources. Le plan simple de gestion doit également définir les modalités d’exercice des droits d’usage par la communauté sur la base d’un rapport d’enquête socio‐économique identifiant les strates des populations concernées et d’une description des mesures de gestion relatives aux us et coutumes de la communauté. L’élaboration du plan simple de gestion revient aux communautés locales mais elles peuvent, le cas échéant, solliciter une expertise de l’État ou d’organisations de la société civile. Pour les aires protégées, l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’aménagement est confiée à un organisme public. C’est l’ICCN qui est actuellement chargé de cette mission. La loi n’exige pas la participation des parties prenantes à l’élaboration et au suivi de la mise en œuvre de ces plans pour les aires protégées.
Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect des dispositions sur l’aménagement des forêts (Loi n°11/2002) et des aires protégées (Loi n°14/003).
RÉGIME FONCIER
Le régime foncier actuellement applicable est celui défini par la Loi n°73‐021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier (loi foncière). Cette loi a conféré la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible du sol à l’État en domanialisant toutes les terres, y compris les terres qualifiées auparavant de «terres indigènes». Les particuliers ne peuvent donc pas se voir reconnaître des droits de propriété sur les terres mais seulement des droits de jouissance. Les titres de propriété détenus par les particuliers ont été convertis en concessions foncières à partir de 1973. Pour les terres occupées par les communautés locales, un régime particulier a été prévu par la loi foncière: elles sont rattachées aux terres domaniales mais les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres sont réglés par une ordonnance du Président de la République. Aucune ordonnance n’a toutefois été adoptée à ce jour, laissant un vide juridique. Depuis, la Constitution de 2006 est par ailleurs venue garantir le droit à la propriété privée en précisant qu’il peut être acquis en vertu de la loi ou de la coutume (article 34). Une réforme du régime foncier est en cours depuis 2011 sous l’égide de la Commission nationale de la réforme foncière (CONAREF). Un document de politique foncière nationale (DPFN), qui donne les grandes orientations de la réforme, a été adopté en Conseil des ministres en avril 2022.
Le patrimoine de l’État est divisé en domaine public et en domaine privé. Le domaine public est constitué de toutes les terres qui sont affectées à un usage ou à un service public. Elles sont inaliénables et ne peuvent faire l’objet de concession tant qu’elles n’ont pas été désaffectées. Toutes les terres qui ne font pas partie du domaine public sont présumées appartenir au domaine privé de l’État. Des concessions foncières, forestières, agricoles et/ou des droits d’exploitation (pétroliers, miniers) peuvent être octroyés sur ces terres.
Pour les concessions foncières, il peut s’agir de concessions perpétuelles (pour les personnes physiques de nationalité congolaise) ou de concessions ordinaires d’une durée maximum de 25 ans (pour les étrangers, les personnes morales). Elles peuvent s’accompagner d’un droit de propriété sur les immeubles (bâtiments, arbres, plantes, fruits et récoltes tant qu’ils ne sont pas détachés du sol) et d’un droit d’usage sur les ressources naturelles (forêts, faune sauvage, mines, etc.). Lorsque la concession foncière porte sur des terres rurales, une enquête sur les droits des tiers doit être faite au préalable et des conditions d’occupation et de mise en valeur doivent être respectées. Ces conditions peuvent varier selon les régions, le type de fonds, etc. Des conditions minimales sont fixées par la loi et peuvent être complétées par contrat. Tous les titres de concession doivent être enregistrés auprès du conservateur des titres immobiliers de la circonscription concernée. C’est le certificat d’enregistrement qui établit légalement les droits conférés.
Des concessions forestières peuvent être octroyées sur les forêts qui font partie du domaine privé de l’État, c’est-à-dire les forêts de production permanente et les forêts protégées. Les forêts naturelles ou plantées comprises dans les terres concédées appartiennent à leurs concessionnaires (Article 8, Code forestier). Un cadastre forestier recense les différents titres de concession. Le Code forestier reconnaît les droits fonciers coutumiers dans la mesure où il permet aux communautés locales d’obtenir un titre de concession pour toute ou une partie d’une forêt protégée «parmi les forêts régulièrement possédées en vertu de la coutume». Dans les faits, cette option est devenue accessible aux communautés locales avec l’adoption des textes d’application concernant les concessions forestières des communautés locales (CFCL) en 2014 et 2016. Pour obtenir une concession forestière, la communauté locale doit notamment produire une carte établie de manière participative avec les communautés voisines et autres parties prenantes, et communiquer des informations sur son identité (nom de la communauté; localisation physique; liste des familles, lignages ou clans qui la compose; identité du ou des représentants coutumièrement attitrés). Ces informations sont enregistrées au niveau de la chefferie ou du secteur. L’attribution d’une concession forestière permet à la communauté locale d’exploiter toutes les ressources qui se trouvent dans la forêt et ne sont pas interdites d’accès, y compris la faune. La communauté locale peut choisir de les exploiter par elle-même (sous forme d’une association sans but lucratif, d’une société coopérative ou d’un comité de développement local) ou d’en déléguer la gestion à des exploitants privés artisanaux ou des promoteurs de projets de conservation ou d’écotourisme, par voie de contrat.
Le Code minier ne mentionne pas les droits fonciers coutumiers. De même pour la Loi n°14/003 relative à la conservation de la nature qui encadre, notamment, la création des aires protégées. Elle prévoit que les aires protégées peuvent être créées sur des terres appartenant au domaine public ou domaine privé mais, une fois l’acte de création adopté, l’aire protégée entre dans le domaine public. Une enquête publique est réalisée préalablement à la création de l’aire protégée afin d’identifier les tiers qui détiennent des droits sur la zone et déterminer les modalités d’indemnisation ou de compensation en cas d’éventuels déplacements des populations ou expropriations. Les droits fonciers coutumiers des communautés locales ne sont toutefois pas explicitement évoqués.
La Loi n°11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture encadre les concessions agricoles. Elle prévoit l’adoption d’un édit au niveau de chaque province pour déterminer les terres rurales ou urbano-rurales destinées à l’usage agricole ainsi que la mise en place d’un cadastre agricole par le gouverneur de province pour recenser les concessions agricoles. Elle reconnaît les droits fonciers coutumiers des communautés locales comme étant les droits exercés collectivement ou individuellement sur leurs terres. Ces droits constituent selon la loi un domaine foncier de jouissance qui peut comprendre les terres de cultures, de jachère, de pâturage et de parcours, de même que les boisements qui sont régulièrement utilisés par la communauté. L’exercice collectif ou individuel de ces droits fonciers coutumiers ne fait pas l’objet d’un certificat d’enregistrement.
En dehors du Code forestier, il n’y a donc pas actuellement de dispositions permettant une reconnaissance formelle des droits de jouissance des communautés locales. D’après le Document de politique foncière nationale (DPFN) adopté par le Conseil des ministres en avril 2022, la certification des droits fonciers coutumiers devrait néanmoins constituer un des axes de la réforme foncière. Le document préconise notamment de donner aux communautés locales qui le souhaitent la faculté de demander un titre foncier collectif attestant de l’occupation foncière coutumière. Il recommande également la mise en place de systèmes d’informations foncières locales pour documenter et établir les pratiques qui régulent l’accès et l’utilisation des terres et des autres ressources naturelles (chartes foncières locales, cadastres fonciers communautaires, registres fonciers communautaires). Les droits fonciers des peuples autochtones pygmées doivent être garantis au même titre et de la même façon selon le DPFN. En outre, toujours d’après le document, les peuples autochtones qui subissent des restrictions sur leurs droits fonciers devraient pouvoir choisir entre l’octroi d’une compensation financière et l’octroi de droits fonciers alternatifs. Le DPFN doit encore être approuvé par un décret du Premier ministre.
Des sanctions administratives et pénales (annulation des contrats de concessions, amendes, emprisonnement) sont prévues en cas de non-respect des règles relatives au foncier.
CADRE INSTITUTIONNEL RELATIF AUX CONDITIONS PRÉALABLES
CADRE INSTITUTIONNEL
Les principaux acteurs institutionnels sont: le Ministère de l’environnement et du développement durable, l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), le Ministère de l’aménagement du territoire, le Ministère de la pêche et de l’élevage, le Ministère de l’agriculture, le gouverneur de province et les entités territoriales décentralisées. La répartition des compétences entre les ministères est définie par l’Ordonnance n°22/003. La répartition des compétences entre les provinces et le pouvoir central est définie par la Loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatif à la libre administration des provinces.
Les plans d’aménagement des concessions forestières sont élaborés en principe par les exploitants et validés par l’administration forestière. Pour les aires protégées, c’est l’ICCN qui est chargé de superviser l’élaboration des plans d’aménagement. Pour les eaux intérieures, les principaux acteurs sont l’Office congolais des eaux et la Direction de l’aménagement des pêcheries du Ministère de l’agriculture.
Pour le foncier, les principaux acteurs sont le Ministère des affaires foncières et, au niveau local, les conservateurs des titres immobiliers qui sont responsables des circonscriptions foncières (130 sur tout le territoire) et le gouverneur de province. Les chefs coutumiers sont également tenus de veiller à la protection des espaces fonciers qui relèvent des terres des communautés locales (Loi n°15‐015). Pour la réforme foncière, le principal acteur est la Commission nationale de la réforme foncière (CONAREF). Il n’existe pas de juridictions spécialisées sur les questions foncières mais des commissions consultatives de règlement des conflits coutumiers au niveau central, provincial et local. En outre, la Loi n°11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture a instauré une procédure de conciliation obligatoire pour les conflits portant sur les terres agricoles. Un conflit ne peut être porté devant le juge que s’il a d’abord été soumis à une procédure de conciliation devant le conseil consultatif provincial de l’agriculture.
COORDINATION ET COOPÉRATION INSTITUTIONNELLES
Le cadre juridique prévoit de manière générale une coordination entre les ministères chaque fois qu'une décision doit être prise dans des matières connexes (Ordonnance n°22/003), ainsi que la possibilité de réunir des commissions interministérielles (Ordonnance n°20/016). Des groupes de travail peuvent également être mis en place pour traiter de sujets transversaux (Décret n°13/011). Il existe ainsi un «Groupe de travail genre et environnement» au sein du Ministère de l’environnement et développement durable. Au niveau sectoriel, il existe des instances de coopération comme le conseil consultatif provincial des forêts qui intervient notamment pour assurer la consultation des parties prenantes pour le classement des forêts. De même, pour le conseil consultatif provincial de l’agriculture, qui intervient pour régler les conflits autour des terres agricoles.
DÉLÉGATION DE POUVOIRS
La loi foncière (Loi n°73‐021) permet à l’État de déléguer la gestion des terres domaniales à des organismes publics ou privés créés par une loi particulière afin d’accélérer l’aménagement du territoire. Dans le domaine de la conservation de la nature, la Loi n°14/2003 autorise l’État et les provinces à déléguer la mission de création des aires protégées à une personne privée. L’État, les provinces et les entités territoriales décentralisées peuvent également confier partiellement ou totalement la gestion d’une aire protégée au secteur privé (dans les limites de leurs compétences respectives). Pour les services publics en général, il existe une loi (Loi n°16/001) qui encadre la délégation des missions et pouvoirs des administrations publiques aux organismes publics ou privés, et ce, à tous les niveaux (central, provincial et local).